Symptômes, émotions, images & choix…
Ces symptômes sont-ils miens ? Comment faire la différence entre mes symptômes, mes émotions, mes images, mes représentations, mes choix, et ceux, celles qui ne m’appartiennent pas. Oui, différencier ce qui nous appartient de ce qui est intriqué avec ce qui ne nous appartient pas de l’histoire familiale, transgénérationnelle, avec ce qu‘elle inclut de croyances, de cultures, de dogmes, de savoirs et de valeurs. Différencier et distinguer pour qu’advienne ma position subjective. Quand j’en suis locataire, qui en est le propriétaire ? Et comment les rendre, en partant, à leur propriétaire? Et peut-on les rendre et à quel prix? En profondeur font-ils, structure, ancrage corporel archaïque, voire identité ? Participent-ils d’une construction défensive archaïque, défense du soi ? Toutes ces questions amènent à des niveaux différents de travail sur soi.
L’analyse en défait quelques uns des symptômes, de surcroît, mais surtout tend à les désengrammer dans un relevé de sens-non-sens inscrits dans une histoire dont on ne sait pas où elle s’arrête ni où elle débute. Mais bon j’ai ma part à gérer dans l’“ici et maintenant” si je veux m’en dégager.
S’ajoute parfois la part mystère que ma famille a si “gentiment” déposée dans mon berceau !. Dans un placard, une cave, un grenier s’accumulent et s’entassent les bizarreries, les secrets des générations passées, “le fantôme”* qui traverse les planchers ou les murs, la culpabilité, le silence, les non-dits etc. Et pourquoi pas retrouver les trésors relationnels restés latents et en attente de révélation. L’énigme familiale à décoder, décrypter et nettoyer ; la mission d’une vie, pour certains.
Des histoires qui contaminent
Comment me suis-je arrangé avec tout ça ? Des histoires en souffrance qui m’ont contaminées, à com-prendre. Ouvrir la porte et voir-ne pas voir. Difficile confrontation, difficile de s’en différencier, de s’en séparer et s’en affranchir. Tout ne se vend pas au vide-grenier ! Puis se ré-inscrire dans la filiation, tout en continuant son chemin individuel.
Et assumer ces histoires en cascade.D’intégration en intégration, nous sommes un maillon d’une histoire généalogique inscrite dans l’Histoire de l’Humanité.
Et puis il y a ces émotions, ces affects ou leur absence, ces sensations, autonomes, entravées dans des territoires extrêmes . C’est “quoi” derrière ? Les patients qui n’ont peur de rien, ceux qui ne voient encore rien noyés dans leur désespoir, ceux qui ont peur de tout mais sont portés par un sacré, un sentiment de sacré, ceux qui aimeraient vivre plutôt que survivre, ceux qui ont perdu le rire ou le sourire, ceux qui rêvent d’aimer d’amour vrai, ceux qui pourraient convenir sans trop de culpabilité que l‘on peut détester aussi.
Oui le patient, l’analysant n’a pas envie de s’arrêter là. Il aimerait en savoir un peu plus de ne plus savoir vivre avec lui-même. Est-il ou se sent-il différent? Est-il ou se sent-il particulier? Est-il ou se sent-il singulier ? Est-il ou se sent-il fou ? William Blake disait « Si le fou persévérait dans sa folie, il rencontrerait la sagesse »* ; tout dépend de la définition de la folie. Mais n’est-ce pas déjà ‘une folie’ que d’être, et être soi-même quand la conscience collective n’en demande pas tant !Mal vivre avec sa tête, avec son corps, avec les autres, avec le monde. Comment gérer ce rapport au monde intime, monde familial, monde social et monde professionnel ?
Le champ des pourquoi
Commence le champ des “Pourquoi ?” Autant de pourquoi que de brins d’herbe ! Pourquoi ces émotions qui me submergent ? Pourquoi rencontrer toujours les mêmes profils de personnes ou de situations “mauvaises” pour moi? Pourquoi les personnes “bonnes” m’échappent-elles ? Pourquoi la vie ne me sourit-elle pas ? Pourquoi ce sentiment d’infériorité sociale, de honte sociale ?Pourquoi persiste t-il ? Pourquoi remettre de l’ouvrage sur ce qui est toxique ? Pourquoi cette angoisse ? L’angoisse, l’absence d’angoisse...là ça se corse, le moi angoisse !
Pour-quoi aller y voir ? il y a au moins ça qui fait de l’existant voire une existence ! La zone de confort. Un abri. Une protection, une auto-protection. Je connais ce mécanisme, j’y suis familier, j’en connais les rouages, les acteurs, actrices connu-e-s ou anonymes qui l’actionnent. Mais que fait-il là ? Avec la jouissance (au sens de Lacan) tenace, en place de son plaisir et de son éros de vie.Pour les patients, analysants traumatisés une haute protection archétypique est orchestrée par l’ombre du Soi du Personal Spirit tel que le développe Donald E.Kalsched***.
Et pourtant le patient, l’analysant insiste, persiste, s’interroge sans fin, se déplace vers ce lieu, ce cabinet où la question se tient face à l’inconnaissable en lui. Oui d’aller visiter chaque pièce de sa maison, d’y considérer et consigner les dégâts, les réparations, en acceptant le retour du refoulé de ses sacs d’immondices, en y découvrant aussi des petites perles de vie cachées. L’analyse est une voie exigeante et courageuse.
* Thématique développée par Nicolas Abraham et Maria Torok dans ”L’écorce et le noyau”, Flammarion, ré-édition 2009
Plus récemment : Bruno Clavier " Les fantômes familiaux", Payot, 2014..
** William Blake, Exposition Londres la Tate Britain septembre 2019 - février 2020. "Le Mariage du Ciel et de l'Enfer" Traduction André Gide. Coll. Romantique n°2, 1981.
‘*** Donald E. Kalsched, “The Inner World of trauma : archétypal defences of the personal Spirit”, Routledge, 1996. Et “Trauma and the Soul”, Routledge, 2013.